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Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes : Les temps ont été durs pour les maliennes

La crise sécuritaire traversée par notre pays en a encore ajouté aux épreuves endurées par les femmes de notre pays. Les chiffres sont édifiants

Au bout de 22 années de lutte, le bilan pourrait inciter au découragement : les violences faites aux femmes de par le monde non seulement ne reculent pas, mais gagnent en ampleur et en gravité. Ce triste phénomène a même atteint une dimension tragique dans les conflits qui endeuillent la planète, notamment en Afrique, en Amérique latine, en Asie et au Proche orient. Jamais les femmes n’ont paru aussi peu protégées et cette situation interpelle toutes les consciences. Dans un tel contexte la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, Journée célébrée chaque 25 novembre, acquiert une résonnance particulière. Cette année, en raison du calendrier électoral (premier tour des législatives), la célébration dans notre pays a été décalée d’une semaine. C’est donc hier que les Maliennes se sont retrouvées autour du lancement de la campagne internationale qui prévoit que « du 25 novembre au 10 décembre 2013, le monde s’investit dans16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre ».

La cérémonie marquant cette célébration avait pour cadre la salle de banquets du Centre international de conférences de Bamako. Elle était présidée par le ministre de la Famille, de la Promotion de la femme et de l’Enfant, Mme Sangaré Oumou Ba, en présence de son homologue de l’Education nationale, Mme Togola Jacqueline Nana, du représentant de l’UNFPA, Makane Kane. Les représentants du corps diplomatique et des organisations internationales, les leaders et responsables d’associations et groupements féminins ont apporté aussi leur part à la forte mobilisation enregistrée.

C’est en 1991 que les Nations unies ont décrété sur l’impulsion de femmes leaders les 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes. 22 ans après, la lutte continue mais les violences contre les femmes montent en fréquence et notre pays n’échappe pas à cette tendance. Pour cette 23èmeédition de l’événement, les Nations unies ont choisi pour thème de célébration « De la paix chez soi à la paix dans le monde : mobilisons -contre les violences basées sur le genre ». Il faut dire que ce thème colle parfaitement avec les réalités de notre pays qui sort d’une crise sécuritaire sans précédent, crise au cours de laquelle où les Maliennes – particulièrement nos sœurs du Nord – ont subi un véritable calvaire.

C’est pour rendre un hommage mérité à ces femmes qui ont payé un lourd tribut à une situation exceptionnelle que le département en charge de la Promotion féminine a décidé de leur dédier cette journée. Constitué d’une série d’allocutions, mais aussi d’une succession de de témoignages éloquents délivrés par les associations et groupements féminins travaillant sur les questions de violences, l’événement a été l’occasion de faire passer des messages à forte charge symbolique à une assistance composée en grande majorité de membres de défenseurs des droits humains, de représentants d’ONG de la place, d’acteurs du monde associatif et de relais d’opinions.

5724 CAS DE VIOLENCES. Dans son intervention, le représentant de l’UNFPA, Makane Kane, a rappelé que les Nations unies en instaurant cette journée réaffirment leur engagement dans l’intensification de la sensibilisation contre les violences faites aux femmes, qui constituent une grave violation des droits humains. « En effet, en dépit des instruments nationaux et internationaux de protection de la femme, les violences à leur égard ne faiblissent pas. Bien au contraire, elles gagnent en intensité dans tous les pays du monde, le Mali y compris. Ces violences sont présentes dans tous les segments de la société malienne et causent de sévères souffrances aux survivantes. Malheureusement, ces survivantes souffrent dans une indifférence qui finit par les détruire à petit feu », a t-il indiqué.

Makane Kane expliquera qu’au lendemain de la crise sociopolitique et sécuritaire qui a frappé notre pays en 2012, le sous-groupe sectoriel de travail sur les questions de violences en coordination avec l’UNFPA a enregistré 2383 cas de violences dont 211 cas de viols. « En 2013, ce groupe de travail a recensé 3330 cas de violences faites sur les femmes dont 321 cas de violences sexuelles, 353 cas de violences physiques, 1410 cas de violences psychosociales, 841 de dénis de ressources et 405 cas de violences liés à certaines pratiques traditionnelles (mariages forcés, répudiation) », a-t-il énuméré en invitant les Maliennes à unir leurs forces pour que le Mali sorte rapidement du cauchemar dans lequel il est plongé depuis deux ans et dont les principaux victimes sont les femmes et les enfants. « Car, indiquera t-il, bien que les femmes aient été les principales victimes de cette crise, le pays a pu tenir le choc grâce à leur ténacité et leur capacité de résilience. Ce serait certainement encore à travers les femmes que le Mali nouveau naîtra sur des bases justes et équitables », a-t-il lancé en invitant les Maliennes à se mobiliser pour la paix et la reconstruction.

Dans un exposé succinct et édifiant, le coordinateur du sous-groupe de suivi des violences basées sur le genre, Pr. Lamine Boubacar Traoré révélera que depuis le 17 janvier 2012 à ce jour, 5724 cas de violences sur les femmes ont été recensés par sa structure dont 532 cas de violences sexuelles, 521 agressions physiques, 827 psychosociales, 1201 cas de dénis de ressources, 1233 cas de violences liés aux pratiques traditionnelles (mariages forcés, excision). « 85% de ces violences ont concerné les femmes et 15% aux jeunes filles. On note une augmentation de 947 cas en 2013 par rapport à 2012. Cependant, en réponse à ses violations, 1172 cas ont bénéficié d’une prise en charge médicale, 1153 cas de prise en charge psychosociale, 600 ménages à Bamako et Mopti ont reçu un cash transfert (prise en charge économique), 7 cas ont reçu une prise en charge juridique », a détaillé l’expert.

PLUS JAMAIS ÇA DANS NOTRE PAYS. Tour à tour, les représentants de l’Association pour le progrès et la défense des droits des femmes (APDF) et de la Clinique juridique des femmes ont édifié l’assistance sur les efforts fournis au quotidien pour aider les femmes victimes de violence à recouvrer leurs droits et leur dignité. Elles ont ainsi réaffirmé leurs engagements à intensifier la lutte contre ce fléau qui constitue un frein au développement harmonieux de notre pays.

Dans un discours très émouvant, le ministre de la Famille, de la Promotion de la Femme et de l’Enfant, Mme Sangaré Oumou Ba, décrira la situation des Maliennes face aux violences qu’elles vivent au quotidien, violences qui se sont accentuées lors de la crise institutionnelle et sécuritaire traversée par notre pays. « L’image de femmes et enfants fuyant les théâtres de violence, de femmes battues sur les places publiques, de femmes et de fillettes violées publiquement, de femmes lapidés à mort est aujourd’hui une réalité dans notre pays. Aux femmes et aux enfants victimes des atrocités jamais vécues dans notre existence, permettez-moi de vous exprimer toute la compassion de la nation toute entière. Cela ne doit jamais se produire. Disons plus jamais ça dans notre pays », a lancé le ministre en rappelant les efforts déployés par le gouvernement et ses partenaires dans la lutte contre ces violences.

Cette célébration, expliquera Mme Sangaré, est une date pleine de signification pour les femmes, car elle consacre l’engagement des instances décisionnelles internationales à lutter aux côtés des dirigeants pour l’élimination de toutes les formes de violences faites sur les femmes et les enfants. Le ministre de la Famille, de la Promotion de la femme et de l’Enfant s’est affirmé convaincue de la nécessité de la campagne qui doit mettre l’accent sur le fait que les droits des femmes sont des droits humains et permet d’attirer l’attention sur le rôle que les systèmes patriarcaux, incarnés par les traditions et les politiques, jouent quant à la normalisation de la violence contre les femmes et la négation de leurs droits à une vie dans la . Mme Sangaré a exhorté les femmes et filles victimes ou non à dénoncer les auteurs des actes de violences dans les foyers et dans l’espace public pour mettre fin à l’impunité.

Au-delà de ces 16 jours d’activisme, le département chargé de la Femme va s’atteler à la réalisation d’actions urgentes pour l’élimination du fléau, notamment à la finalisation du Plan d’action national de lutte conte les violences basées sur le genre et la mise sur pied du Cadre national de coordination des interventions pour une synergie des acteurs.