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« Mes règles, c’est un cauchemar »

« C’est très douloureux, et je ne peux pas me procurer de produits hygiéniques. »

« Ma tante m’a dit que je devais rester loin des garçons »

« Je veux étudier mais les garçons me taquinent »

« Après avoir eu mes premières menstrues, mon père m’a dit que je devais me marier »

« J’avais parfois tellement mal que je ne pouvais plus aller à l’école »

« L’une de mes amies les plus âgées pensait qu'elle était en train de mourir la première fois qu’elle a eu ses règles »

 

Ces quelques témoignages de jeunes filles rappellent l’importance d’améliorer les connaissances des jeunes et de la population en général sur l’Hygiène Menstruelle et le fonctionnement du système reproductif, afin d’assurer leurs droits à la santé sexuelle et reproductive, à la dignité, à l’autonomie corporelle, à l’éducation et leur épanouissement. Pourtant, les menstruations restent taboues à travers le monde, dont le Mali, ce qui se traduit en de multiples conséquences négatives sur la santé physique, mentale et émotionnelle des femmes et des filles. Leur bonne gestion de l’hygiène menstruelle est primordiale pour l’atteinte des engagements des gouvernements tant à la réalisation des Objectifs de Développement Durables (ODD) des Nations Unies que l’agenda 2063 de l’Union Africaine et le programme d’action du CIPD+25.

 

Comme conséquences sur la santé physique, mentale et émotionnelle des femmes et des filles liées aux tabous des menstruations, nous notons : 

 

La stigmatisation et l’exclusion sociale : Bien que la menstruation soit un événement sain et normal pour le corps féminin, les filles ne sont pas souvent préparées à cet événement. De ce fait, dans les cas d’insuffisance de la protection, les filles peuvent être sujettes à des violences émotionnelles et psychologiques se traduisant par des railleries/humiliations, harcèlement scolaire et communautaire. Plusieurs s’isolent volontairement par peur de participer à des activités scolaires, à la pratique du sport ou à des événements sociaux. Nous devons informer et préparer les jeunes filles à leurs menstruations afin qu’elles puissent se défendre et protéger leur santé tant physique que mentale.

 

L’impact sur les pratiques néfastes (Mutilations Génitales Féminines (MGF) et mariage d’enfants) : Au sein de certaines communautés, la menstruation est perçue comme le signe qu’une jeune fille à la maturité d’avoir des enfants. Ainsi, dès l’apparition des premières règles les filles peuvent être contraintes aux mariages d’enfants entraînant l'abandon de la scolarité et favorisant les grossesses précoces, et plusieurs formes de VBG, dont le viol conjugal et les violences domestiques. Certains types de MGF peuvent provoquer des règles plus longues et plus douloureuses entraînant des infections qui peuvent mener à la stérilité, voire être mortelles. Pour rappel, au Mali 89% des femmes ont subi la MGF, 53% sont mariées avant l’âge de 18 ans et 18% avant l’âge de 15 ans (EDS, 2018).

 

Manque d’informations impactant le bien-être physique et mental : La moitié des filles au Mali n’ont jamais entendu parler des menstrues avant d’y avoir été confrontées, provoquant la peur, la honte et la confusion et plus de 93% des écoles ne pratiquent ni session d’éducation, ni session d’orientation pour sensibiliser les élèves sur la Gestion de l’Hygiène Menstruelle (situation Wash dans le milieu scolaire Unicef 2017). L’utilisation et la gestion de protections menstruelles non adaptées peut causer des risques pour la santé, comme des infections. Les menstruations peuvent causer des douleurs et troubles qui peuvent parfois être handicapants, tel que l’endométriose. Le tabou lié aux menstrues et le manque d’accès à l’information peuvent normaliser ces douleurs et être une barrière à la recherche par les femmes et les filles de soins/services de santé de la reproduction adaptés à leurs besoins, incluant une assistance en santé mentale, pour assurer leur épanouissement et bien-être ainsi que des orientations vers des services et informations pour une meilleure gestion de leurs menstruations.

 

Manque d’accès aux infrastructures sanitaires et à la sécurité : Les difficultés d’accès à des latrines, en particulier dans les contextes d’urgences, impactent l’hygiène menstruelle ainsi que la dignité même des femmes et des filles. En milieu scolaire au Mali, les installations sanitaires sont en très mauvais état : 98% des écoles (environ 8 320 écoles) ne connaissent ni ne disposent d’outils spécifiques à la gestion de l’hygiène menstruelle à l’intimité des filles dans les toilettes, tel que des sources d'eau, savons et installations sanitaires adéquates, toilettes séparées pour les deux sexes, rendant difficile toute intimité pour les filles (situation Wash dans le milieu scolaire Unicef 2017). La sécurité des femmes et des filles peut aussi être menacée en l'absence d'installations d'hygiène adéquates, contraignant les femmes et les filles à s’isoler et à aller à l'air libre pour répondre à leurs besoins menstruels, les exposant davantage aux violences basées sur le genre.

 

Précarité menstruelle : De nombreuses femmes et filles ont de la difficulté à se payer des protections hygiéniques, anti-douleurs, sous-vêtements neufs à cause de leur vulnérabilité économique. Cette précarité menstruelle peut pousser les filles et les femmes à rester chez elles, à ne pas se rendre à l’école ni au travail, avec des conséquences durables sur leurs résultats scolaires et leurs opportunités économiques, pouvant entraîner des sentiments de honte, de malpropreté, de manque d’estime et de confiance en soi impactant entre autres sur leur bien-être mental et limitant leur potentiel de se réaliser.

 

Déscolarisation : les menstruations entraînent des conséquences sur la réussite du cursus scolaire, l’absentéisme, les grossesses précoces et l’abandon de l’école (WaterAid, 2014). Au Mali, dans 17,5% des écoles, on observe une augmentation des jours d'absence (0-5 jours par mois) pour les filles en âge de puberté (situation Wash dans le milieu scolaire Unicef 2017). Cette déscolarisation limite l’autonomisation économique des femmes et est donc une barrière à l’égalité de genre.

 

Pour l’UNFPA, la journée internationale de la gestion de l’hygiène menstruelle, célébrée chaque année le 28 mai, est une opportunité pour rappeler les impacts dommageables et limitants d’une mauvaise hygiène menstruelle sur la santé, la dignité et le bien-être des filles et des femmes, sur leur manque d’accès à leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive. Nous rappelons tant aux décideurs, partenaires au développement, leaders communautaires et acteurs de la société civile l’importance :

  • D’intégrer l’éducation à l’hygiène menstruelle dans les programmes scolaires et d’assurer la disponibilité de latrines et points d’eau au niveau des établissements scolaires.
  • De renforcer les campagnes de sensibilisation nationales et locales pour déstigmatiser les menstruations, rappeler les droits des femmes et des filles à ne pas être soumise aux mariages d’enfants et aux conséquences néfastes à la santé des MGF, au respect de leur dignité et autonomie corporelle, à leur droit à la santé de la reproduction et santé mentale, et à l'éducation et souligner la journée internationale de l’hygiène menstruelle.
  • De prioriser l’accès aux services de santé de la reproduction, notamment pour anticiper et répondre aux problèmes liés aux menstruations (douleur, infection, etc.), particulièrement en zones humanitaires et pour les sites de déplacés internes.
  • De mettre en place des actions innovantes et faciliter l’apprentissage aux filles sur la confection des serviettes hygiéniques.
  • De financer les actions en faveur de la bonne gestion de l’hygiène menstruelle dans les divers programmes de développement et humanitaire, incluant l’accès des produits hygiéniques de qualité.

Pour un Mali épanoui : ensemble nous pouvons briser les tabous et stéréotypes liés aux menstruations, en investissant et s’engageant à faire respecter les droits des femmes et des filles.

 

Par Yves SASSENRATH, Représentant Résident de UNFPA Mali